Éva Darlan : la comédienne raconte avoir été victime d’inceste
Ni son enfance ni son adolescence n'ont été facile à vivre pour l'actrice.
Éva Darlan, Eva Osty de son vrai nom, est une féministe engagée qui dès 1976 co-écrivait le spectacle humoristique militant Les 3 Jeannes qui a été joué pendant plusieurs années de par le monde. Marraine de l’association Ni Putes Ni Soumises, elle a présidé à la création du comité de soutien à Jacqueline Sauvage, jusqu’à ce que celle-ci reçoive une grâce partielle de François Hollande. Elle est également engagé auprès des jeunes homosexuels rejetés par leur famille à travers l’association Le Refuge et lutte pour l’égalité des salaires dans le monde audiovisuel avec le collectif 50/50.
“J’ai été victime pendant toute mon enfance et une partie de mon adolescence”
Au cinéma, l’actrice a joué pour les plus grands : Claude Lelouch, Jean-Luc Godard, Jean Pierre Mocky, Yves Boisset… Mais c’est avec Une histoire simple de Claude Sautet qu’elle est consacré par une nomination aux Césars en 1978. À plusieurs reprises dans les médias, elle a dit son combat contre les violences faites aux femmes, ce qui lui a valu des critiques de Marlène Schiappa. Le parcours marqué par l’altruisme d’Éva Darlan n’est peut-être pas si étranger au fait qu’elle a elle-même subit des violences, comme elle le confie au magazine belge Ciné Télé Revue :
J’ai été victime pendant toute mon enfance et une partie de mon adolescence de l’exercice du pouvoir de mon père et de mes frères. L’atmosphère était tellement incestuelle. On me coinçait dans les couloirs, on me tripotait partout. Mon père me prenait sur ses genoux, ses mains se baladaient… Quand je prenais mon bain, il y avait toujours quelqu’un par la fenêtre du vasistas qui me regardait, qui ouvrait la porte quand j’étais aux toilettes. Le malaise que je ressentais me disait à l’instant même que ce n’était pas normal, même quand je n’étais pas encore en âge de mettre des mots dessus. Je n’ai fait que me recroqueviller physiquement toutes les nuits sur mon corps, j’étais en boule sous les couvertures en me répétant inlassablement : mon corps est à moi. Quand mon père rentrait le soir, c’était un ogre.
La comédienne regrette de ne pas avoir pu, à l’époque, pouvoir se confier à quelqu’un ou se tourner vers une structure pour livrer son témoignage et commencer un processus de réparation :
À qui parler de ça ? On ne croit pas la parole des enfants ! Ma mère n’a pas pu intervenir parce qu’elle a été abusée enfant et qu’elle était dans une sorte de déni de protection pour elle. Je ne lui en veux pas. C’était une sorte de sœur d’abîme. Elle ne cautionnait pas, mais elle refusait de nommer, elle prenait cela pour des jeux qui allaient un peu loin, elle n’arrivait pas à intervenir, elle disait simplement à mes frères d’arrêter de m’embêter. Je crois que cela la mettait mal à l’aise, qu’elle n’arrivait pas à gérer la situation, ni à se gérer elle-même.
Aujourd’hui encore, cette enfance marquée par l’atmosphère incestuelle laisse des séquelles :
Cela m’a tuée. J’ai eu horreur de mon corps, je l’ai toujours en horreur, c’est un lieu sale. Cela a détruit ma confiance en moi de manière définitive. […] L’homme pour moi était comme les premiers que j’ai connus : un prédateur. Je n’ai rencontré que des hommes un peu déviants.